Agriculture
Exténués, des agriculteurs en Petite Nation mettent la clé sous la porte
Inflation, manque de main-d’œuvre, hausse du coût d’équipements ; deux entrepreneurs en Petite Nation ont récemment décidé de fermer leurs entreprises. Une situation loin d’être unique et qui inquiète l’Union des producteurs agricoles Outaouais-Laurentides.
Le gérant de la ferme Le Vallon des sources à Ripon, Nicolas Massuard-Laroche, a été obligé d’arrêter ses activités agricoles il y a environ deux mois. Aujourd’hui, il pousse un gros coup de gueule contre la situation actuelle qui oblige selon lui, de nombreux producteurs locaux à arrêter.
« Un agriculteur fait des semaines de 60 ou 70 h. Moi quand je finis ma journée je suis brûlé. Je ne vois pas ma compagne ni mes enfants. Je me casse le dos dans les champs, sans me verser de salaire, tout ça pour me faire dire que mes légumes sont trop chers, ou pas assez esthétiques ? », s’insurge le gérant Nicolas Massuard-Laroche.
Durant la pandémie, un mouvement de solidarité envers les producteurs locaux avait permis de repenser et de revaloriser le secteur agricole, en faisant marcher l’économie locale. Mais qu’en est-il à présent ?
Il explique que l’élan de solidarité qui avait poussé les gens à acheter local pour soutenir les producteurs des petites exploitations est selon lui bel et bien terminé. L’achat de produits bios et de panier de légumes aurait même reculé.
« Les taux d’intérêt montent, les gens ont dû couper le budget bouffe », affirme-t-il.
Une usure mentale et physique des producteurs locaux
Nicolas Massuard-Laroche a commencé à travailler dès l’âge de 12 ans dans la ferme de ses parents Michel Massuard et Monique Laroche. En 2019, avec sa compagne Annie Houde, il prend les rênes de l’entreprise. Quatre ans plus tard, il ne mâche pas ses mots : il se dit « écœurer » de devoir arrêter de faire le métier qu’il aime en raison de la conjoncture économique.
Selon lui, la situation actuelle ne permet pas aux agriculteurs locaux, notamment ceux ayant une certification de production de produits biologiques, de pouvoir payer la main-d’œuvre, mais aussi de se payer soi. Sans parler des conditions climatiques qui menacent les récoltes, de l’usure physique et mentale.
« On est fier d’être agriculteur, on travaille vraiment fort à nourrir la population, mais là on y arrive plus. » Nicolas Massuard-Laroche
Du temps pour soi et sa famille
Il fut une époque où le travail était une fin en soi, les générations précédentes d’agriculteurs « se tuaient à la tâche », comme le dit Nicolas, sans vraiment remettre en cause leur condition. La nouvelle génération est prête à prendre la relève, mais à la condition de pouvoir avoir du temps aussi pour vivre, tout simplement.
« J’aime tellement mon travail, mais ne suis pas prêt à tout sacrifier, c’est important de vivre aussi, d’avoir du temps avec ses enfants. Puis, je ne veux pas finir usé à 60 ans », souligne le jeune agriculteur âgé dans la trentaine.
Ces propos sont corroborés par la gérante de la ferme La Rosée à Notre-Dame-de-la-Paix, Camille Faubert. Elle et son conjoint ont décidé de mettre la clé sous la porte, pour pouvoir profiter de leur vie de famille.
« La charge de travail est immense, mais aussi la charge mentale, financière, humaine. On a voulu arrêter pour préserver notre famille et notre santé mentale. On ne s’arrête jamais ».
Les producteurs agricoles sont à bout
Depuis la fin de la pandémie, les acteurs du secteur agricole connaissent de grands défis : inflation, manque de main-d’œuvre, hausse du coût des équipements, exigences administratives.
Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) Outaouais-Laurentides, Stéphane Alary l’affirme : « il faut trouver des solutions, les producteurs agricoles sont à bout. » Des conditions difficiles qui décourageraient certains jeunes de prendre la relève, ou les obligeraient à mettre la clé sous la porte, comme c’est le cas de plusieurs fermes en Petite-Nation, comme La Rosée, à Notre-Dame-de-la-Paix et Le Vallon des sources à Ripon.
Produire plus pour vendre moins
Le président de l’UPA pointe du doigt la situation en dénonçant une augmentation majeure du coût de base. Selon lui, l’augmentation du coût des intrants de production de 28 % a été près de trois fois supérieure à l’inflation (+11,8 %) entre janvier 2020 et septembre 2022. Il souligne également que pour bénéficier d’un dollar de recette en agriculture, il faut, 8 $ d’actifs. Un ratio fortement supérieur aux autres secteurs économiques.
« Pour s’en sortir, il faut vendre nos produits de plus en plus chers, alors que les gens ont de moins en moins d’argent. Manger local c’est bien, mais nos clients vont-ils pouvoir suivre ? » se questionne-t-il.
Dans un sondage effectué l’UPA le mois dernier auprès de 3 675 productrices et producteurs de partout au Québec l’impact des augmentations est sans équivoque : deux entreprises agricoles sur dix rapportent déjà une mauvaise ou très mauvaise santé financière, près de cinq fermes sur dix anticipent une détérioration de leur situation au cours des douze prochains mois et une ferme sur dix prévoit même fermer définitivement ses portes dans l’année qui vient.
« Beaucoup de jeunes se demandent s’ils vont prendre la relève. Ils ne sont pas forcément prêts à faire tous ces sacrifices, et je les comprends. La passion c’est bien beau, mais ça ne paie pas les factures », conclut Stéphane Alary.
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