Éditorial
Il est temps d’adopter C-18 et de préserver les nouvelles locales
Un texte de Benoit Chartier, président du conseil d’administration d'Hebdos Québec et de Sylvain Poisson, directeur général d'Hebdos Québec
Nous représentons ici plus d’une quarantaine de propriétaires d’hebdomadaires indépendants à but lucratif qui regroupent plus d’une centaine de médias dans la province de Québec et au pays.
Nous distribuons 10,3 millions d’exemplaires par année sur l’ensemble de notre territoire, alors que nos plateformes numériques comptent un total de 20 millions de pages vues et près de 15 millions de visiteurs uniques par mois.
La presse est un rempart précieux de la démocratie et son devoir d’informer le public avec la plus grande rigueur journalistique ne doit pas être asservi par l’hégémonie de quelques géants du Web qui s’enrichissent non seulement en s’appropriant un contenu que nous produisons à grands coûts, mais qui diffusent également un lot de fausses nouvelles dénuées de véritables pratiques journalistiques et de sens éthique, un contenu non vérifié et inexact.
Ces géants du Web, comme Facebook et Google, laissent aussi libre cours aux agrégateurs de contenu auxquels Internet a donné naissance.
Ceux-ci se sont multipliés sans produire des contenus originaux, avec très peu ou sans investissements dans les ressources journalistiques et peu de règles d’éthique en matière d’information.
La presse hebdomadaire francophone au Québec a d’ailleurs joué un rôle fondamental dans la livraison de l’information au cœur de plusieurs communautés locales, souvent dans des régions ne comptant aucun autre média local ou régional. Dans ce contexte, on peut affirmer qu’une presse affaiblie, menacée d’abandonner sa mission et de disparaître après des décennies d’existence, met sérieusement en péril notre démocratie.
Les hebdos, quant à eux, font partie du paysage économique et culturel, certains depuis près d’un siècle, et ils sont essentiels à la vitalité démocratique. Hors des grands centres, ils sont souvent les seuls à jouer un tel rôle et leur pertinence demeure tout aussi grande qu’avant l’avènement des réseaux sociaux.
Nos journalistes créent et produisent du contenu original local ou régional pour chacun de nos produits d’information à partir de nos salles de nouvelles respectives, qui totalisent plus de 200 journalistes au Québec.
On peut dire que c’est une très grande salle de rédaction qui couvre l’ensemble du Québec.
Chaque jour, ils livrent de la nouvelle de proximité de grande qualité et contribuent à ériger un mur contre la vague de désinformation qui déferle, particulièrement depuis quelques années.
Dans un sondage réalisé par Pollara Strategic Insights au nom de Médias d’Info Canada en mai 2022, on a appris que 90 % des Canadiens estimaient qu’il est important que les médias locaux survivent, que 79 % des Canadiens étaient d’accord pour que les géants du Web doivent partager leurs revenus avec les médias canadiens et que 80 % des Canadiens étaient favorables à l’adoption du projet de loi.
Pour notre part, c’est un véritable « cri du cœur » : nous vous demandons d’avaliser ce projet de loi et de permettre la négociation collective pour pallier le déséquilibre du marché entre les plateformes Web mondiales et les éditeurs de médias d’information locaux et régionaux.
Même les ententes déjà conclues entre certains éditeurs et Google ou Facebook présentent une inégalité et un déséquilibre par rapport aux autres.
Ces géants du Web ont, de fait, cannibalisé nos revenus sans assumer aucune des responsabilités sociales et fiscales qui s’y rattachent en contrôlant les algorithmes. Ils ont bouleversé notre modèle d’affaires et diminué la valeur réelle de l’information. Ils ont surtout réussi à s’attirer 80 % des investissements publicitaires d’entreprises et de commerçants locaux et régionaux sans qu’il y ait de retombées tangibles dans les communautés.
En quelques années seulement, sans contribution fiscale, ces géants du Web ont érodé les revenus des médias traditionnels qui, pendant des décennies, ont investi temps et argent dans leur communauté, encouragé leurs commerçants et professionnels, soutenu leurs institutions et servi l’intérêt public de leurs concitoyens. Google et Meta, pour ne nommer que ceux-là, bénéficient et tirent nettement profit de notre contenu. Ils maintiennent ainsi l’intérêt de leurs utilisateurs, dont ils collectent et traitent les données afin de cibler les publicités vendues.
Au fond, c’est leur modèle d’entreprise.
Pour couronner le tout, ces géants nous menacent de bloquer les nouvelles au Canada si le projet de loi C-18 est adopté.
Nous demandons à nos parlementaires d’aider les journaux communautaires en adoptant le projet de loi C-18 avant leurs vacances d’été.
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